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10 décembre 2015 4 10 /12 /décembre /2015 14:53
Rencontre autour des livres du 23/11/2015 : Titus n'aimait pas Bérénice, de Nathalie Azoulai, Prix Médicis 2015

Françoise vous propose une version un peu plus détaillée pour ce roman déjà commenté sur le site :

Ce roman a fait partie de la dernière sélection du Goncourt, c'était le seul dont l'auteur est une femme et le seul qui n'avait pas pour sujet l'Orient ou le monde arabe. Il n'a pas eu le Goncourt mais a obtenu quelques jours plus tard le Prix Médicis.

L'auteur : C'est une jeune agrégée de lettres, passée par l'ENS. Elle travaille dans l'édition et publie son premier roman, Mère agitée, en 2002.

Elle vit quelques années en Espagne, où elle écrit Les Manifestations, qui suscite un intérêt polémique car il y est question de l'antisémitisme (rappelons qu'elle est d'origine juive).

Celui-ci est son sixième roman. Pour l'anecdote, elle a participé à l'écriture du scénario de Himalaya, l'enfance d'un chef.

Le héros de ce roman est Jean Racine, ou Jean tout simplement comme il est désigné familièrement tout au long du livre.

L'auteur nous raconte sa vie, les faits, les dates sont respectées. Mais dans cette trame factuelle, elle fait son travail de romancière, elle imagine, elle invente des sentiments, des émotions, qui font de Jean un véritable personnage de roman : ce n'est donc absolument pas une biographie.

Dans le premier chapitre, nous rencontrons une moderne Bérénice qui vient d'être plaquée par son Titus ; non pas au profit de la gloire que va lui apporter son nouveau job d'empereur romain comme celui de la tragédie, mais plus prosaïquement, il préfère rentrer retrouver le confort de sa petite famille et de sa légitime, Roma. On ne sait pas s'il lui a joué la grande scène 4 de l'Acte 2 :

BÉRÉNICE Ainsi donc mes bontés vous fatiguent peut-être ?

TITUS Non, Madame. Jamais, puisqu'il faut vous parler, Mon coeur de plus de feux ne se sentit brûler. Mais...

BÉRÉNICE Achevez.

TITUS Hélas !

BÉRÉNICE Parlez. TITUS Roma... Les enfants .... (Rome … l'Empire)

En tous cas, notre Bérénice souffre beaucoup et se plonge dans les tragédies de Racine pour tenter de trouver un écho à sa douleur dans les tirades de ses sœurs dans les affres de l'amour contrarié : Bérénice, Andromaque, Phèdre,

Lire page 18-19.

Cette dernière phrase résume bien l'objectif de l'auteur : Racine a vécu écartelé entre son éducation janséniste à Port-Royal des Champs, qu'il n'a jamais reniée, et une vie de faste, de luxe, au plus près du Roi qu'il admirait beaucoup (il devient son historiographe avec son ami Nicolas Boileau), son goût pour les plaisirs profanes, pour les femmes, en particulier les belles tragédiennes et surtout son amour pour la langue, la poésie. Dans une interview, NA dit que « ce roman est un hymne d'amour à la langue, que la langue en est le personnage principal ».

En effet, à Port-Royal enseignent des maîtres éminents, Lancelot, Nicole, Le Maître, et l'enseignement se fait en français contrairement aux écoles de Jésuites de l'époque. On y traduit les textes grecs et latins, Jean est un élève surdoué, dirons-nous aujourd'hui, et donc l'auteur l'imagine un brin provocateur, transgressif, lisant en douce des lectures interdites dans lesquelles il a l'occasion de découvrir l'amour au féminin (ce n'est évidemment pas à Port-Royal qu'il a l'occasion de rencontrer des femmes).

Il est passionné par le maniement de la langue, s'enthousiasme pour la poésie et en particulier les alexandrins.

On se rend compte combien les tragédies de Racine ont dû être scandaleuses à l'époque, mais le corset de l'alexandrin et des règles strictes de la tragédie ont permis de faire passer le scandale de la sensualité, de la passion amoureuse.

On le découvre aussi en metteur en scène exigeant de ses propres pièces : lire p.182-183.

Pour lui la langue est une musique, et qu'importe les apparentes maladresses ou légères fautes de français que nous nous sommes tous amusé à repérer dans ses tragédies, l'important c'est que ça sonne bien.

Comme vous le constatez, le style est fluide et poétique, l'auteur sait nous rendre ce grand tragédien très attachant et surtout nous donne envie de relire ses pièces. Notre Bérénice moderne saura aussi le moment venu se comporter en véritable héroïne racinienne.

Ce roman s'adresse à tous les lecteurs ayant au moins eu l'occasion de rencontrer Racine au cours de ses études secondaires. Vous pouvez le recommander à tous vos lecteurs !

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