Babylone
Yasmina REZA
C’est un roman écrit à la première personne ; la narratrice, Elisabeth, est une femme d’une soixantaine d’années qui a décidé d’organiser une fête de printemps et a invité un groupe de parents et d’amis dans son appartement de banlieue.
Les préparatifs : l’aide des voisins du dessus ; leur invitation.
Le récit est émaillé de souvenirs de jeunesse, et surtout des réflexions de la narratrice sur son âge, sur le vieillissement, sur la mort et de commentaires sur le comportement de ses voisins , procédé qui permet au lecteur de découvrir les personnages.
« Soixante ans, c’est l’âge qu’avaient les parents. Maintenant c’est toi qui l’as. Comment est-ce possible ? une fille fait les quatre cents coups, se trimballe dans la vie juchée et peinturlurée et tout à coup se met à avoir soixante ans. »
La soirée
Pendant la soirée, on entend les conversations des invités et Reza met le doigt sur les hypocrisies, les faux-semblants, les défauts et les ridicules de nos contemporains ; dans cette partie du roman on retrouve l’atmosphère des pièces de théâtre de l’auteur, Art ou Le Dieu du carnage.
Parmi cette galerie de personnages « bobos », les voisins du 5ème,, (Jean-Lino et Lydie) dénotent par leur tenue vestimentaire et leur milieu socioprofessionnel.
Mais le vin aidant, l’atmosphère est détendue et Jean-Lino se laisse aller à une imitation d’envol de poulet, se moquant ainsi de Lydie, écolo pure et dure qui veut savoir « si le poulet s’est perché » (poulet servi lors de la soirée).
Cette scène du poulet est l’élément déclencheur qui va faire basculer le roman dans le polar.
La fin de soirée
Un autre procédé utilisé par Reza est l’anticipation : le lecteur sait depuis le début (voir aussi la 4ème de couverture) qu’un drame a eu lieu lors de la soirée.
Pas véritablement d’effet de surprise lorsqu’on sonne à la porte pour annoncer que « l’irrémédiable a été commis ».
Le pseudo-polar
L’intérêt du roman est de montrer que sous le masque des apparences, l’être humain est imprévisible et a des réactions inattendues, est capable de tout.
Un 1er coup de théâtre fait bifurquer l’histoire vers le rocambolesque et le peu vraisemblable .
Un 2ème coup de théâtre ramène les protagonistes dans des rôles plus conformes à la logique de la situation et le récit suit son cours jusqu’au dénouement.
Le titre : Babylone
Extrait de la Bible, un verset des « Psaumes » lu par le père de Jean-Lino après le repas du soir.
« Aux rives des fleuves de Babylone nous nous sommes assis et nous avons pleuré, nous souvenant de Sion »
Ce titre donne une autre dimension au roman qui traite aussi du thème de l’exil : l’exil dans la vieillesse, dans le malheur et surtout dans la solitude.
Conclusion
Les critiques sont partagés :
On peut reprocher au roman un argument un peu léger ; son histoire ne convainc pas toujours, et entraîne le lecteur dans une situation peu vraisemblable dans le contexte établi.
Mais il faut reconnaître à Yasmina Reza des qualités indéniables : elle présente un miroir à peine déformant de la société actuelle mais la satire sociale n’est jamais lourde grâce à son sens de la formule et son style incisif .
Si elle met le doigt sur l’absurde de nos existences, son pessimisme est toujours traité avec légèreté et voilé d’humour .
C’est un roman de 218 pages, facile à lire, que l’on peut conseiller à un large public, et qui aura probablement du succès dans nos bibliothèques.
Si on me demandait mon avis, je ne lui donnerais pas le Goncourt, mais je pense que l’adaptation de ce roman donnerait une bonne pièce de théâtre.